En apnée haute, je prends le temps in fine de vous parler...

En apnée haute, je prends le temps in fine de vous parler...

Chères confites, chers confits,

En apnée haute, suspendu dans le temps, sidéré, je prends le temps in fine de vous parler de tous ces petits cons ? qui, aussi minuscules soient-ils, nous obligent à nous arrêter. Plutôt
objecteur de conscience que va-t’en guerre guerrier, mon principal ennemi étant… moi-même. Railler, conspuer, critiquer n’a jamais été mon mode d’expression favori. Réfugié apolitique chez ma cousine à Saint-Quentin dans les Yvelines, j’ssiste tous les soirs au score calamiteux du match en cours, entre les vivants et les morts.

Aujourd’hui, comme tous les soirs, on pactise avec les voisins en frappant dans les mains ; ces mêmes mains qu’il ne faut plus donner, qui deviennent ennemies publiques n°1.
Depuis le début de ce confinement, les poissons sont revenus dans la baie de Venise, on respire enfin à Pékin et on réalise tous avec effroi que nos importations, dont les produits “made in China”sont vitaux pour certains, nous rendent dépendants.

Et nous revoilà dans l’histoire du petit papillon dont les battements d’ailes déclenchent un tsunami de l’autre côté de la planète. Les petites gouttelettes de pluie transportées par les colibris nous paraissent bien dérisoires face aux vagues déferlantes du marché mondial. Comment faire pour ne pas se sentir l’éternel petit David contre Goliath ? Notre solitude, notre isolement devraient avoir la même importance que cette nouvelle conscience planétaire incarnée par la toile et ses réseaux sociaux.

Comment incarner la grandeur de l’humain en se sentant confit chez soi ? Une fois de plus, il nous faut descendre dans nos caves, dans nos mines les plus retranchées pour retrouver la force de la métaphore et de la poésie.
Tous les jours, les internautes envoient des messages drôles et sarcastiques, tous les jours Wajdi Mouawad écrit et publie sur le site du théâtre de La Colline des chroniques pour prolonger le lien et ne pas couper le fil. Dans l’une de ses premières chroniques, il parle des gens qui ne verront jamais l’été et je réalise que ça peut être moi… ou vous.
Alors, tâchons d’être à la hauteur de cette traversée du désert. On va faire une formidable fête le jour de l’enterrement du virus, s’embrasser et se serrer fort dans les bras car nous, les naufragés du radeau de la Méduse, auront touché terre.

“Tu reviendras”promet Hanna au petit garçon qui vient de lui confier son précieux flacon rempli de l’eau de la pluie avant de s’embarquer dans le train sans retour. “Oui je reviendrai chercher la pluie du bon Dieu” lance le petit garçon à la fin du texte de Daniel Keene. LA PLUIE sera repris en novembre comme beaucoup d’autres choses annulées aujourd’hui. Alors nous serons là, sur le plateau (et dans la salle ) de La Nef pour attendre et accueillir le petit garçon.

Jean-Louis Heckel