Il faut oser l'impertinence !

Il faut oser l'impertinence !

Y’a trop de spectacles !
Avignon 2019 : 1600 spectacles dans le off.
Y’a pas assez de qualité et de choix artistiques tranchés !
Le politiquement correct est de mise partout et chez tous.
Et la victoire du néolibéralisme est totale. Au plateau et dans les bureaux. Dans la forme et dans le fond.
Trop de créations trop propres, trop bien ficelées, trop bien pensées.
Il faut oser l’impertinence !
Par quel bout prendre la masse d’informations et de données sociologiques auxquelles nous avons accès tous les jours ? On s’accroche aux témoignages des interviews souvent émouvants mais qui restent suspendus dans le vide, sans analyse.
Je connais des professionnels à Avignon qui ne vont plus voir de spectacles, qui passent leur temps en réunions, entre les commissions, les sujets à vifs, les rencontres, les débats tout est fait pour que tout se passe sans que rien ne bouge.
On a réussi en France à former une classe de responsables de direction institutionnels très compétents dans le domaine de la gestion, qui excellent à se communiquer, qui brillent dans la technocratie mais sans plus aucun lien direct avec la réalité artistique.
Y’a trop de tableur excel. Des spécialistes du « tourner-en-rond » qui veulent planifier, gérer, évaluer, manager et contenter leur soif de pouvoir qui ne cesse de démontrer leur vide de savoir. Nous sommes managés, plus dirigés, par des ingénieurs culturels.
Tous les artistes étrangers que je rencontre me le répètent ; nous avons en France un des réseaux les plus actifs, des salles municipales au CDN. Pourtant nous savons que la fréquentation de ces lieux – qui augmente certes- touche toujours la même tranche de population. Où est la frontière entre le divertissement et la création artistique ? Le clivage
public / privé n’existe plus. Le divertissement est partout. C’est dans ce contexte –je l’avoue- que je suis allé au Club Med cette année. Oui je l’ai fait. Avec ma fille. Dans un hôtel all inclusive. Dans le « all inclusive » il y a tout, sauf la qualité.
Le contraste entre le festival d’Avignon et Djerba est violent. Je dois dire que je ne marque de préférence ni pour l’un ni pour l’autre, car en fait dans le « all inclusive d’Avignon », il y a là aussi à boire et à manger car nous n’avons toujours pas compris qu’il fallait privilégier la qualité et non la quantité.
Dans le trop y’a pas de assez. Une fois de plus à la Nef on se retrouve à se poser la question de la longévité. La reprise des
Dhouib au festival de Charleville-Mézières devrait être le début d’un travail au long court puisqu’il s’agit de raconter la vie d’une famille sous forme de feuilletons. Le succès des séries vient de cette fragmentation du temps.
Nous vous donnons également rendez-vous pour les États Généreux du mardi 10 au jeudi 12 septembre 2019 pour être force de proposition en réaction à l’hégémonie libéro-macronienne. Nous ne voulons pas fabriquer de jeunes entrepreneurs mais des artistes qui ont leur place dans une société civile en pleine évolution.
Plus que jamais restons vigilants, lanceurs d’alerte et guetteurs de nos propres censures par rapport aux critères qui nous sont demandés et imposés.
Jean-Louis Heckel, Aout 2019